L'innovation par retrait : reconfiguration des collectifs sociotechniques et de la nature dans le développement de techniques culturales sans labour



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https://publications.cirad.fr/une_notice.php?dk=548840
Type: 
thesis
Author(s): 
Goulet F.
Description: 

La remise en cause d'un modèle moderniste et productiviste en agriculture, bâti sur le développement des sciences et des techniques, se traduit par l'éclosion de formes originales de pratiques et de collectifs. Nous interrogeons ici les processus sociotechniques qui accompagnent ces transformations, à partir du développement en France de techniques sans labour et d'une agriculture de conservation, en tant qu' «innovation par retrait» basée sur la suppression d'un artefact et des actions qui lui sont associées (la charrue et le labour), au profit d'objets de la nature sensés les supplanter (le sol, son activité biologique). Cette recherche montre tout d'abord que cette actancialisation de la nature ne se traduit pas dans l'activité des praticiens par une simple transformation du «rapport» de ces derniers à la nature. Les objets de la nature sont en effet engagés au sein de différents collectifs et régimes d'action, et participent d'une évolution des cadres de socialisation des praticiens et de leurs identités. L'analyse révèle également que le retrait d'objets et de pratiques techniques va de pair avec la construction de collectifs originaux où agriculteurs, acteurs de la recherche et du développement agricole mais aussi firmes privées, s'associent sur un mode renouvelé. Ce retrait traduit surtout pour les acteurs, en quête de sens et de nouvelles pratiques, une volonté de se dissocier au travers d'objets et de pratiques dont ils soulignent le caractère symbolique, de catégories prédéfinies d'acteurs et de modes d'organisation qu'ils assimilent au modèle moderniste et à ses échecs. Ainsi l'innovation par retrait révèle les tensions professionnelles et épistémiques qui prennent forme dans les rangs des agriculteurs et des acteurs de la recherche agronomique, et les recompositions sous forme de segments ou de communautés qui s'y opèrent. Elle rend compte également de la façon dont des acteurs du secteur privé, les firmes de l'agrofourniture, se dégagent de ces tensions et deviennent des acteurs essentiels des processus d'innovation. Nous montrons en particulier comment ils se font les porte-parole, au travers notamment de stratégies d'encastrement, d'une innovation qui viendrait de la base, et comment la mise en avant d'objets de la nature contribue à rendre invisible d'autres artefacts ainsi que les controverses ou dynamiques marchandes auxquelles ils sont associés.

Publication year: 
2008